Luc Gerecke

Editorial de Philippe Claudel, Est Républicain, 1 avril 2011

Je ne résiste pas à reproduire l’éditorial de Philippe Claudel, paru dans l’Est Républicain du 1er avril, lendemain de la réélection de Christian Poncelet (83 ans) à la tête du Conseil Général des Vosges.  » Il est élu conseiller général depuis 1963 (48 années) et il préside ce département depuis 1976, c’est à dire depuis 35 ans, il accumule les mandats depuis près de 50 ans (voir le site internet: www.vosges.fr) ».

Est-il besoin de rappeler que Philippe Claudel est enseignant, scénariste, écrivain et cinéaste. Il est très attaché à la Lorraine où il est né et réside. Il est notamment l’auteur de 2 films majeurs: « Il y a longtemps que je t’aime » avec Kristin Scott-Thomas et Elsa Zylberstein et « Tous les soleils » avec Stéfano Accorsi et Clotilde Courau, sorti le 30 mars.

Savoir partir

L’action politique est une mission, elle ne devrait pas être un métier. Elle est un engagement, pas une profession. L’intérêt de tous, toujours, devrait prévaloir sur le désir et l’ambition d’un seul. Servir en politique, c’est s’abstraire, s’oublier, mais en même temps, c’est se connaître, mesurer ses talents et ne pas ignorer ses limites. L’âge peut être l’une d’entre elles. Parfois on est trop jeune, et la vie ne nous a pas encore appris l’essentiel. Parfois on est trop vieux, et elle nous a usés. Servir son pays et ses concitoyens, c’est être suffisamment lucide pour laisser la place à d’autres, passer le relais, préparer sa succession, pour le bien commun. La reproduction du même détruit les rêves et entrave les initiatives. Or nous avons besoin de rêver autant que d’inventer. Collectionner au fil du temps les mandats, c’est endormir les espoirs, fermer des portes plutôt que d’ouvrir des horizons. Ne pas se rendre compte qu’il convient, après une longue et prestigieuse carrière, de se contenter d’un rôle attentif de simple conseiller. Mais briguer et obtenir une nouvelle présidence relève du manque d’humilité autant que d’un aveuglement citoyen. Notre démocratie n’a pas vocation d’enfanter des monarques que seule la mort priverait de trône.

Philippe Claudel